Nouvelles de nos abeilles et de leur environnement (01/10/2022)

Le frelon européen: un prédateur à combattre ?

Notre collègue apiculteur Pierre Barthélemy a réagi à la note d’Oncle Max du 10/09/2022 qui s’inquiétait des attaques nombreuses de frelons européens; il s’en est suivi un échange très fructueux entre Pierre, Maximilien et Michel dont nous vous livrons ici la substance.

Pierre:

Bonjour Michel,

Comme d’habitude j’ai lu avec beaucoup d’intérêt la dernière chronique de la SRAWE.  C’est toujours une source d’inspiration pour moi!

Je souhaite toutefois réagir sur la partie relative aux frelons (européens et asiatiques) et je suis triste de lire que « Avec les prévisions pour les années à venir, avec d’autres étés secs et très chauds, le frelon européen risque de devenir un prédateur aussi néfaste que l’asiatique  pour nos abeilles. »

Il n’y a aucun doute dans mon esprit qu’il faut combattre le frelon asiatique avec toute notre énergie.  Je pense au contraire que l’on doit protéger le frelon européen (à l’exception des nids qui seraient très proches de nos ruchers et qui deviendraient une menace directe pour nos ruches).  D’une manière générale, qui d’autres que les apiculteurs doivent être en première ligne pour protéger l’entomofaune locale?  On ne peut crier au loup en matière de biodiversité et de protection de l’environnement et en même temps pousser à la destruction d’espèces locales qui se sont adaptées à notre environnement et en synergie avec l’ensemble de notre biodiversité.  L’apiculture (et bien d’autres activités …) ne pourra pas s’épanouir dans un environnement dégradé et déséquilibré.  Or, le frelon européen (un insecte magnifique, cela dit) fait partie de notre patrimoine entomologique.

Petite parenthèse: je pense de plus en plus que tous les cycles de formation apicole devraient inclure une leçon sur l’entomofaune (ou, au minimum, sur les autres insectes pollinisateurs et les autres apidae).

Des naturalistes français ont d’ailleurs remarqué (je n’ai malheureusement pas pris note de la source) que le frelon asiatique est concurrencé par le frelon européen et qu’il s’installe plus difficilement là où le frelon européen est encore bien présent.  J’ai eu le bonheur de suivre (en février 2021) une vidéo conférence de Gilles Lanio (Morbihan) sur son expérience avec le frelon asiatique.  Il est clairement partisan du piégeage printanier des fondatrices et faisait remarquer que, quand le piégeage printanier n’a pas été fait correctement, le frelon européen peut attaquer les ruches parce que le frelon asiatique a ramassé beaucoup d’insectes dans l’environnement.  Les colonies de frelon européen sont relativement petites (généralement quelques centaines d’individus) et il est beaucoup moins agressif que les guêpes (sauf à proximité immédiate de son nid).  C’est le seul vespidé à chasser la nuit, et il se nourrit également de la fausse-teigne … et de guêpes.

Je pense (sauf à avoir un nid à proximité immédiate des ruches) que les guêpes (dont il existe de nombreuses espèces) et le frelon européen ne représentent pas une menace pour les abeilles domestiques.  Une colonie en forme et forte résiste sans problème à des tentatives d’attaque des guêpes; j’ai souvent vu plusieurs guêpes rôder autour des ruches et tenter d’entrer dans mes ruches (surtout, il y a bien longtemps, quand mes ruches se trouvaient chez mes parents dans le Condroz) mais je n’ai jamais perdu de colonie suite à des attaques de guêpes.  Quant au frelon européen, si je constate occasionnellement sa présence dans mon jardin, je n’en ai jamais vu tenter d’entrer dans une ruche.

Personnellement, je ne détruis jamais les nids de guêpes (encore moins les nids de frelons européens) sauf s’ils constituent manifestement une menace directe pour des personnes.  Je connais certains naturalistes qui font de même et qui circonscrivent un nid de guêpe dans le sol pour qu’il soit clairement indiqué et éviter ainsi tout accident.  J’ai acheté récemment un excellent livre (Guide Delachaux) sur les abeilles, bourdons, guêpes et fourmis d’Europe; l’auteur déplore que les nids de certaines guêpes pourtant peu incommodantes (contrairement à Vespula Germanica et Vespula Vulgaris), dont les nids sont malheureusement les plus visibles (dans des haies par exemple), sont détruits inutilement parce que l’on confond ces guêpes peu agressives avec leurs cousines citées ci-avant.

En résumé, je pense que nous apiculteurs devons éviter de nuire davantage à l’environnement sous prétexte de notre lutte légitime contre le seul frelon asiatique.  Ne nous trompons pas d’ennemi.  Les naturalistes sont nombreux à craindre les dégâts sur les insectes indigènes (notamment les bourdons qui déclinent fortement ces dernières années) comme conséquence de la lutte contre le frelon asiatique.   Je suis très triste d’entendre ci et là le discours de certains apiculteurs par rapport au piégeage du frelon asiatique sans se soucier des dégâts collatéraux qu’ils occasionnent à l’entomofaune locale.  Nous avons la responsabilité de protéger aussi les autres acteurs de notre biodiversité.

Amicalement
Pierre

Michel: 

Bonjour, Pierre.

Fondamentalement, je suis tout à fait d’accord avec toi : le frelon européen fait partie de notre entomofaune locale ; il a toute son utilité dans l’équilibre de notre environnement comme grand prédateur d’insectes divers, même s’il lui arrive de capturer nos chères abeilles mellifères. C’est du reste clairement ce qui est affirmé sur notre page « Bourdons, guêpes & frelons » https://www.srawe.be/?page_id=716

De même, nous insistons très fort sur le fait que le pièges doivent être sélectifs : https://www.srawe.be/?page_id=8068#piegeageselectif ; cette page contient des évaluations de la sélectivité et le l’efficacité des pièges.

Le frelon européen occupe la même niche écologique que le frelon asiatique, et il en est donc effectivement un concurrent. Si on supprime les frelons européens, on risque de laisser le champ libre aux asiatiques.

Personnellement, je ne détruis jamais leurs nids non plus (ni ceux de guêpes), sauf s’ils constituent une menace directe pour les humains (p.ex. dans une habitation ou sur un lieu de passage).

Cependant, j’ai pu remarquer que le frelon européen devient parfois cette année un prédateur important de nos ruches. Ce sont des attaques individuelles, pas en groupe, mais plusieurs frelons peuvent être en chasse simultanément ;  le frelon patrouille devant la ruche et capture une butineuse qui rentre à la ruche. Il n’essaie pas d’entrer dans la ruche, au moins à cette saison, quand les abeilles sont actives et volent (il est possible qu’il tente d’entrer dans la ruche en basse saison, quand les abeilles font déjà la grappe). J’en ai vu plusieurs agir de la sorte hier, à notre rucher tampon RT2 d’Archennes. A mon rucher de Basse-Biez, j’en ai vu aussi mais plus sporadiquement (ainsi que quelques asiatiques).

Il est clair que, si ces attaques sur nos ruches deviennent régulières, elles peuvent compromettre leur bonne santé et même leur survie.

Pourquoi en est-il ainsi, alors qu’habituellement les attaques de frelons européens sur les ruches sont plutôt limitées ?

On peut émettre plusieurs hypothèses :

  • L’hiver et le printemps ont peut-être été favorables à la survie des fondatrices et à leur succès reproducteur ; mais dans ce cas, il l’a aussi été pour d’autres insectes qui sont leurs proies (j’ai p.ex. eu aussi énormément de guêpes dans les fruits cette année)
  • La concurrence avec le frelon asiatique réduit leurs proies et les fait s’attaquer aux abeilles …
  • Les alternances inondations / sécheresse perturbent les équilibres ; je ne suis pas sûr que l’on en évalue déjà correctement tous les impacts

Dans de telles circonstances, les frelons européens deviennent donc malheureusement aussi une menace pour nos abeilles. Cela ne veut pas dire qu’il faut les détruire ou les éliminer systématiquement.  Par contre, il me semble légitime de tenter de protéger ses ruches de l’une ou l’autre manière. La note d’Oncle Max ne disait pas autre chose, me semble-t-il.

Maximilien: 

Entièrement d’accord avec ton analyse et aussi avec les remarques de Michel.

Nous ne préconisons pas la destruction de nids de frelons (sauf risque sanitaire près d’une habitation) et moi-même je laisse aussi les nids de guêpes (dont se nourrissent les frelons européens – chez nous dans les vignes attaquées par les guêpes mais protégées partiellement par les frelons qui, par conséquent, viennent moins au rucher).

Lors de nos recherches de nids de frelons à Gottechain, nous avons repéré et neutralisé 2 nids de frelons asiatiques, et aussi repéré un nid de frelon européen que nous avons laissé.

Quand nous piégeons les frelons près de nos ruches, nous ne savons pas faire de distinction entre asiatiques et européens, donc nous en détruisons malgré tout quelques-uns.

Nous aurions dû peut-être être plus nuancés et plus précis dans la note.

Muselières de protection: contre-proposition participative & meilleur marché !

Vous avez été plusieurs à réagir négativement à l’annonce du CARI de fournir des muselières de protection en kit, publiée dans nos Nouvelles de la semaine passée.

Notre collègue apiculteur Victor Michaux fait à tous nos membres une contre-proposition: « Je suis prêt en faire avec vous. Les miennes me sont revenues à 15 euros pièce. On se rassemble, on achète le bois et on en fait ensemble; outils: foreuse et scie électrique »

Ceux qui sont intéressés à participer à un atelier Muselières peuvent contacter Victor: traficvn’acrolle’hotmail.com ou 0471/567829

Un tout grand merci à toi, Victor !

Conférence « Vespa Velutina à Bruxelles, expérience 2020, perspectives 2021′ de Louis Monéger

Cette conférence, organisée par la SRABE le 21/02/21 est en ligne; plusieurs de nos membres l’ont récemment visionnée et la recommandent fortement:

https://www.api-bxl.be/index.php/conferecnes-a-revoir/459-la-conference-de-louis-moneger-est-en-ligne

A propos Michel Fraiteur

Apiculteur amateur depuis 1977. Président de la SRAWE
Ce contenu a été publié dans Pratiques apicoles, avec comme mot(s)-clé(s) . Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.