Hydromel aux fruits

Par Michel Fraiteur

Parce que je suis apiculteur et que je dispose – les bonnes années – d’un surplus de miel, j’ai réalisé quelques hydromels aux fruits.  En réalité, j’applique simplement une recette de vin de fruits en remplaçant le sucre de betterave par du miel pour la chaptalisation.

NB: en France, une législation restrictive protégeant le mot ‘hydromel’ ne permettrait pas de l’utiliser pour ce type de produit; on devrait alors parler de vinomel, oenomel, mélomel, oxymel ou autre appellation bizarre. Mais cette législation n’est pas d’application en Belgique. Nous pouvons donc parler librement d’hydromel aux fruits.

L’hydromel aux fruits présente plusieurs avantages à mes yeux (et à mon palais) :

  • par rapport à l’hydromel pur, il apporte une variété infinie de goûts différents selon les fruits qui sont vinifiés ; il permet de compenser les insuffisances du miel en acidité et en tanins.
  • par rapport au vin de fruits, il apporte une complexité de goûts que n’apporte pas le sucre de betterave. De plus, le miel étant partiellement infermentescible, un hydromel aux fruits a toujours un petit zeste de douceur, même vinifié en sec ; cela en fait une boisson particulièrement agréable à l’apéritif.

Je n’ai pas de règle fixe quant au rapport entre la quantité de fruits et le volume du moût total que l’on peut préparer ; il faut rester modéré si on veut garder les arômes du fruit ! Je vous indiquerai quelques proportions que j’ai appliquées dans les recettes.

Vous savez que pour fabriquer un hydromel, on dilue du miel dans de l’eau et on chauffe pour éliminer les ferments spontanés du miel, qui ne conviennent pas à la vinification. Personnellement je porte à 85°, ou je fais bouillir un court instant.

Je divise donc les recettes d’hydromels aux fruits en 2 grandes catégories :

  1. le jus de fruits est obtenu à froid : c’est le cas notamment des groseilles, cassis, framboises, cerises, mûres, fraises etc.
  2. le jus de fruits est obtenu par une décoction à chaud : c’est le cas des nèfles, cornouilles, cynorrhodons, fruits séchés, coings etc.

NB : pour les calculs de chaptalisation, j’utilise un petit programme écrit par mon fils Gaël qui remplace très avantageusement les tables et autres formulaires de calcul (voir Calcul de chaptalisation)

1. Jus de fruits obtenus à froid.

Dans le premier cas des jus de fruit obtenus à froid, je procède comme suit :

  • préparer le jus de fruits selon les techniques habituelles, mais sans ajouter de sucre ; débourbage et filtrage ; mesurer le taux de sucre du jus par la densité, et son acidité
  • préparer séparément un moût de miel en tenant compte du taux de sucre et de l’acidité du jus pour calculer la quantité de miel et les acides à incorporer ; cuire le moût ; l’écumer
  • quand le moût est refroidi, le mélanger au jus ; mesurer densité et acidité finales, corriger si nécessaire ; mettre en fermentation

J’établis une règle de 3 entre le volume du jus et le volume total du moût que je veux obtenir, tant pour la densité que pour l’acidité.

Exemple :

  • j’ai 4 litres de jus de groseilles et mûres (dont 1 l de remiage) ; acidité 18°, densité 1040. Pour obtenir un vin à 12°, le programme m’indique que je dois rajouter 0.805 KG de miel, et que j’obtiendrai ainsi un volume total de 4,55 L
  • je veux obtenir 18 litres de moût; je dois donc rajouter 13,45 litres de miel et d’eau ; le  programme m’indique par itérations successives que, pour obtenir 13, 5 litres de moût, je dois rajouter 11 litres d’eau et 3.65 KG de miel
  • le poids total de miel à rajouter est donc de 4,5 KG
  • calcul de l’acidité : j’ai 18 grammes sur 4 litres soit 72 grammes ; pour un vin de 12°, je veux 6 grammes sur 18 litres soit 108 grammes. Le miel et l’eau (de Spa) étant neutres, je dois rajouter 36 grammes d’acide tartrique.

Recette finale :

3 litres de jus de groseilles et mûres + 1 litre de jus de remiage
4.5 KG de miel
11 litres d’eau de Spa
36 grammes d’acide tartrique
pas de tanin parce que les mûres en contiennent beaucoup
sels nutritifs

Quand le moût complet est prêt, on vérifie densité et acidité. Si la densité est trop faible, la corriger par un léger apport de sucre cristallisé, c’est plus facile et sans impact significatif sur le goût du produit final.

Dans le cas présent, j’ai obtenu une densité de 1102 à 19.5°C, et une acidité entre 5 et 6.

2. Jus de fruits obtenus à chaud

Dans le second cas des jus de fruits obtenus à chaud, il est évidemment possible de cuire les fruits séparément dans un peu d’eau, d’en presser le jus et de procéder ensuite comme pour un jus de fruit obtenu à froid. Mais cela nécessite 2 cuissons séparées et plus de travail.

Je fais souvent un seul moût avec l’ensemble que je cuis ; je procède comme ceci :

  • préparer un moût avec les fruits et le miel ; faire cuire le tout en écrasant les fruits autant que faire se peut ; écumer
  • pressage, débourbage et filtrage du moût
  • quand le moût est refroidi, mesurer densité et acidité finales, corriger si nécessaire ; mettre en fermentation

La quantité de miel à incorporer est plus difficile à estimer puisque je ne dispose pas de la densité du jus.  J’ai appliqué les proportions indiquées dans le tableau des recettes

Dans ce cas-ci, je mesure l’acidité du moût final et je corrige par adjonction d’acide tartrique

Hydromel aux nèfles Hydromel aux cornouilles Hydromel à l’oignon
Quantité de fruits 32 KG (1/3 blets)
8KG
1.75 KG oignon
 + 2 KG pommes
Eau
15 L
15L
22.5 L
Miel ± 6 KG ± 7 KG ± 10KG
Densité obtenue
1075 ; ajouter 2KG sucre
1110
1080
Volume total
29 L
25.5 L
30L
Acidité avant correction
5.7
6.4
0
Acide tartrique
58 GR
néant
150 GR
Tanin
néant
néant
2.8 GR

Pour comparaison, le programme donne les proportions suivantes pour 15 et 22.5 L d’eau :

NB : avec un hydromel aux nèfles, j’ai eu une casse protéique durant la deuxième année de maturation (petits flocons en suspension n’altérant pas le goût mais désagréables à la vue); j’ai résolu le problème de la façon suivante :

  • pour l’hydromel qui a été victime de la casse protéique alors qu’il était déjà en bouteille, attendre ; les flocons se déposent sur les parois en une fine pellicule ; transvaser délicatement l’hydromel dans une carafe ou dans une autre bouteille avant de servir, sans remuer ce dépôt
  • les années suivantes, j’ai fait une garde de 2 ans en tourie ; le dépôt se fait sur les parois de la tourie ; soutirer délicatement.